A Navacelles, les tufs, liés à la précipitation à l'aval de la source de la Foux des bicarbonates préalablement dissous, forment une véritable terrasse qui se prolonge bien au-delà de l'anneau verdoyant si caractéristique du cirque. Le terme « karst » désigne une région de formation calcaire caractérisée par la prépondérance du drainage souterrain et par le développement d'une topographie originale due à la corrosion de la roche (grottes, gouffres, résurgences, etc.). Ici, c’est la contribution du karst par l’accumulation de tufs holocènes qui a exhaussé sur 10 mètres, à la verticale, le talweg et programmé le déversement . Ces roches sont des calcaires lités des périodes appelés l'Oxfordien et le Kimmeridgien, roches dans lesquelles la Vis s'enfonce en un profond sillon dans ce secteur, créant un tracé sineux spectaculaire. En amont et en aval de ces localités, la Vis s'inscrit dans des calcaires plus résistants (calcaires en gros bancs ou dolomie), qui empêchent l'érosion des rives concaves. Ici, la moindre résistance des calcaires lités s'exprime par une deuxième forme typique qui caractérise les gorges de la Vis, celle des versants réglés, souvent tapissés de véritables grèzes. En géologie, le terme de « travertin » est utilisé pour désigner des tufs calcaires formé par le dépôt des sources pétrifiantes, et constituant une roche poreuse et friable. Le travertin un concrétionnement calcaire essentiellement constitué de carbonate de calcium, dont la précipitation intervient quand son seuil de sur-saturation est dépassé. Ce phénomène obéit à un jeu d'équilibre physico-chimique créant un processus dit de « travertinisation », c'est-à-dire la création de travertin. L’ampleur verticale de la travertinisation sur dix mètres d’épaisseur est à mettre en relation avec la puissante source de la Foux, située à 5 km du cirque (1 m3 en étiage et des crues dépassant 10 m3/s). L'age de cette travertinisation à été déduit de différentes études géologiques qui confirment que ces formations datent de la période post-wûrmienne, c'est-à-dire d'après la dernière glaciation (Würm est le nom donné au dernier épisode de la dernière glaciation. Le début de cette période est donné vers - 70 000 ans et la fin, vers - 12 000 ans, au moins sous nos latitudes). La présence d'espèces méditerranéennes datant de cette période dans des couches archéologiques confirment elle aussi ce diagnostic. Enfin, des datations au Carbone 14 de cette travertinisation sont venues confirmer la date de 6200/6100 av. J.C. La génèse des tufs se situe ainsi à la charnière des périodes du Pléistocène et de l'Holocène. Dans le cirque même de Navacelles, l'absence de grèze et la faiblesse des éboulis récents, qui ne recouvrent pas le plancher alluvial, indique que l'activité hydrodynamique de la rivière à perduré jusqu'à une période récente.
Des sols très anciens
Les témoignages concernant les phases les plus anciennes de ce creusement sont très discrets, voire inexistants le long de ce cours d'eau. Par comparaison avec d'autres rivières telles que le Tarn, l'Hérault ou l'Orb, on sait que le creusement préquatairnaire est bien explicité dans le cours de toutes ces rivières, et que ce creusement a figé les formes majeures du plateau en réorganisant la karstification. La génèse des mégalapies de Montpellier-le-Vieux permet d'expliciter cette évolution. La génèse des paysages caussenards et en particulier celle des canyons n'est pas réduite au seul Quaternaire, mais requiert un temps beaucoup plus long. Elle fait intervenir des climats et des agents érosifs plus contrastés que ceux alternativement tempérés et froids du seul Quaternaire. En particulier, elle en appelle longuement aux climats tropicaux du Miocène et de l'Oligocène. Ces héritages morphoclimatique et structuraux divers sont bien visibles dans les paysages caussenards. Pour autant, ces Paysages ne sont pas figés : ainsi, Navacelles, au travers de la réentaille des tufs, exprime le passage du géosystème karstique naturel au géosystème anthropisé et témoigne du rôle de l'homme dans les transformations paysagères. Le creusement des gorges est ainsi beaucoup plus ancien qu'on ne le pensait, remontant au Miocène supérieur, il y a environ 13 millions d'années.